Certains jours commencent aux échecs,
certains se terminent aux échecs,
d’autres s’échèquent et mat,
journées aux échecs scellées étanchément
empaquetées à l’épreuve des chocs.
Peut-être n’y a-t-il plus de saisons,
plus aucun épisode,
aucun nouveau personnage, cliffhanger, épisode final
ni aucun rebondissement inattendu.
peut-être allons-nous cette fois-ci acheter nous-mêmes les droits.
Je vois, je vois :
une collection d’erreurs de débutants à éviter surgissant
en mémoire de l’humanité ;
qu’on ne peut toujours pas vraiment voler, pas non plus la saison prochaine.
Dans les entre-temps, le ciel déplace parfois son firmament de façon si radicale
qu’on pense à une mauvaise gestion hormonale de notre ciel.
Parfois, le rôle des choses
c’est d’aller ailleurs,
carrément dans une autre saison, par exemple,
d’unir une saison ou deux,
question de jeter un pont sur un rien de temps,
de moins gaspiller
et peut-être même de gagner quelque chose.
Quant aux saisons, tout a changé.
Tout saisonnier.
Tout en fait,
tout au fond
y compris l’amour et tout le reste.
La modération a tout surpassé,
la médiane sans plus de marges,
le moyen sans plus rien qui dépasse,
en moyenne obéissant tout bonnement
y compris l’amour et tout le reste.
Aux côtés opposés des choses se passent.
Du vieux contre des immeubles neufs
aux utopies réduites, modestes,
flottant sans varier entre les deux.
Beaucoup d’un peu tout passe inaperçu,
comme le camion sur lequel est inscrit en poussière:
« TOUS LES JOURS AU CAR WASH. »
Les mensonges règnent au pays des slogans.
Chaos hiérarchique
démocratiquement justifié.
24 heures d’ouverture,
pouvoir d’achat distribué de manière résiliente,
lenteur inflexiblement commercialisée.
Tous les jours au car wash.
Quand les chaises sont suspendues aux branches, on connaît le gagnant, dit un dicton hyperlocal d’Anderlecht. Des chaises et des branches, on en trouve non loin du quai où les péniches sont amarrées depuis la nuit des temps bruxellois. De l’autre côté du canal, sur le sentier de gravier qui court entre les blocs d’habitation, environ cinq vies se retrouvent chaque fin d’après-midi. La pétanque façon Paepsem : packs de six bières, système de points bricolé accroché au lampadaire le plus proche, chaises pour tout le monde.
Avant, c’était des monoblocs, de ces chaises de jardin en plastique blanc qui s’empilent facilement les unes sur les autres. On les dissimulait dans un monstre de buisson sous un arbre bas et touffu, mais les services des espaces verts ou Bruxelles Propreté sont intervenus.
À présent, ce sont des chaises en bois, suspendues à l’envers aux branches du petit arbre ; le buisson et les mauvaises herbes ont disparu. Ça revêt un aspect plus « propret », plus nostalgique encore.
En toile de fond, Le Gentleman n’est plus que l’ombre de sa gloire. Depuis des années, la taverne située au rez-de-chaussée de l’un des blocs résidentiels offre un aspect morose. En théorie, cependant, il y une clientèle à profusion dans ces immeubles, ils abritent facilement quelques dizaines de milliers d’Anderlechtois alors que le quartier compte pour ainsi dire zéro café populaire.
Il règne ici un calme automnal, même au printemps. Le mérite en revient aux joueurs de pétanque.
Un calme fragile, à heures fixes rompu seulement par les jappements de petits chiens, de sortie en groupe avec leur maîtresse ou leur maître. L’été dernier, j’ai vu des personnes âgées commettre une grossière erreur : ils ont utilisé les toilettes pour chiens clôturées comme terrain de pétanque. Ce qui n’est probablement arrivé qu’une seule fois.
Me promenant au milieu de toutes ces stimulations et impressions, je décide de mettre mes écouteurs : par moments, il convient de perturber le calme.
Dans un bleu nouvellement inventé, le jour entreprend son come-back,
les attentes aussi élevées que de luxueuses tours d’habitation,
l’aujourd’hui porte en lui de la domotique et du chauffage par le sol, ainsi que des sushis à volonté.
Que serait le monde sans ce nouveau bleu ?
Plus pauvre d’une couleur et ennemi de l’ambition.
Plaisir nocturne d’une aventure
volant vite comme de soi
résumant passé et avenir
Pas d’aujourd’hui dans le vol.
On suppose bien trop souvent que les nouvelles se doivent d’être nouvelles,
ma collection de vieilles nouvelles milite en faveur du contraire,
les vieilles nouvelles se feuillettent plus rapidement.
Ça stimule d’autant moins.
Les illusions d’avant-hier n’ont déjà plus de prise sur mon état esprit,
pour ne rien dire de celles vieilles de six mois.
Les nouvelles les plus récentes sont pour les frimeurs.
Tôt ou tard, l’intemporalité les remet à leur place.
Très occasionnellement, cela redevient actualité.
Il y a bien des choses qu’une personne préfère ne pas avoir écrites.
Voilà pourquoi il est bon que pratiquement tout
se trouve écrit par d’autres personnes.
Avec cela il est possible de vivre.
Parfois, des baleines apparaissent dans le canal.
Les baleines promises par les échevins d’espèces poissonneuses
au travail devant bureaux et péniches.
Des baleines on sait qu’elles ne googlent rien
et qu’elles ferment les yeux sur Netflix,
de l’œil
qu’elles gardent ouvert pendant leur sommeil.
L’hiver annoncé est arrivé plus inattendu que jamais.
Si tous les oiseaux restaient petits,
les arbres se limiteraient-ils eux aussi ?
Il est vrai que quiconque se fait tatouer un centimètre sur le bras
mesure des choses aux moments les moins appropriés.
Dans une tentative d’être une voix en propre.
En donnant sur lui-même, le soleil est revenu briller
de ces satanés rayons de soleil froid.
Les chiens à proximité du soleil lui aboient dessus,
par rauque affolement.
Parfois je me dis :
si la compréhensibilité est tout,
eh bien souvent il y a pourtant bien peu de tout cela.
Quiconque aime parler aux papillons
ne peut malgré tout pas nier leurs ailes.
Le silence et ce qu’il est
Le silence pour ce qu’il était
Venu pour appeler
Reparti brisé
Le silence sans sens horaire
L’été ne vient jamais seul.
L’encadrement de la marge
se frotte à une essence
Il n’y a rien de mal à être fermement ancré.
Bien des titres n’y sont pas parvenus.
Or même l’alphabet a un nom.
De la sorte tout est dit et rien,
qu’ils ont dit,
et ils se sont tus
sur des pages entières,
sur de pleines pages.
Quand la langue s’embrouille,
au moins elle a fait ça.
Beaucoup de bla-bla mène au silence
il est préférable d’être
un poète de peu
de mots
sur de rudes routes
d’anonymes panoramas.
credits
from Tussenbruggen,
released October 22, 2022
Voix: Rachel Sassi
Traduction: Daniël Cunin
Poésie: Alex Deforce
Son: Paulo Rietjens
Tenor Sax: Kyle Coppens
Typographie: Harrisson
Alex Deforce (°1984) made his debut as a poet in January 2019 with Nachtdichter, by Victor De Roo, on the Amsterdam-based
label Knekelhuis. The same year he featured on Brihang’s Casco album, for which he recited poems by Georges Perec. September 2020 his first solo 7” vinyl was released by Lexi Disques....more
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